Un contrat d’édition & une micropièce de théâtre
Un contrat d’édition & une micropièce de théâtre

Un contrat d’édition & une micropièce de théâtre

Mon bilan d’écriture du mois de mars

Ce mois-ci, tout s’emballe, peut-être un effet du printemps et du renouveau d’énergie qu’il amène ?

Gean qui meurt…

Mon amie Brigitte a terminé la relecture de Gean qui meurt & Gean qui rit. Elle a relevé plein de choses à corriger sur la forme (coquilles, erreurs, maladresses, etc.), mais sur le fond, son retour est positif alors que ce n’est pas du tout le genre de roman qu’elle apprécie en temps normal. Je brûle donc d’envie de me replonger dans les corrections, mais…

Les Poupées russes

… je n’ai pas fini le premier jet des Poupées russes. J’ai ajouté 8000 mots ce mois-ci, pas génial comme bilan. Cela dit, je me mets moins la pression : j’en suis à peu près aux trois quarts et je sais que je le finirai, tant pis si je prends un peu de retard sur mon planning de départ, parce que…

Le Manoir de malencontre

… la grande nouvelle du mois, c’est… (roulement de tambours)… que j’ai signé un contrat d’édition pour le Manoir de malencontre ! J’avais abandonné l’espoir qu’il soit retenu par une maison d’édition et je me préparais à l’autoéditer : j’ai depuis quelques mois lu plusieurs ouvrages sur la question (Nathalie Bagadey et Jérôme Vialleton entre autres, des mines d’informations !) ; je me suis inscrite à la formation d’Anaïs W. sur la mise en page de manuscrit qui démarre tout juste ; j’avais même commencé à réfléchir à une illustration de couverture… Et voilà que je reçois un message de GLP Éditions… Une longue discussion téléphonique avec l’éditrice, quelques jours d’euphorie à me demander si j’étais bien réveillée… Et voilà, le contrat est à présent officiellement signé, ce qui signifie que je me replonge dans le Manoir pour opérer les quelques corrections et modifications demandées par l’éditrice.

Le début d’une nouvelle et palpitante aventure !

La fiction du mois

Ce mois-ci, je vous propose un style très différent : du théâtre. J’ai écrit ce texte en juillet 2020, pour un appel à textes du Facteur Théâtre. C’était le début de la pandémie, on sortait du premier confinement et le thème imposé était donc un dialogue entre plusieurs livres, dans une librairie ou une bibliothèque désertée. Les textes retenus ont été lus par des comédiens lors d’une journée intitulée « ÉTÉ en automne », qui était prévue en octobre 2020, mais s’est finalement déroulée en mai 2021, à Revigny-sur-Ornain. Une expérience vraiment excitante d’entendre des comédiens jouer avec les mots que j’ai écrits !

Contamination — micropièce de théâtre

Écrite par Anne de Latour, 2020 — tous droits réservés

Personnages :

ELLE – Recueil de nouvelles, littérature expérimentale

LUI – Thriller (best-seller traduit en 37 langues)

Une bibliothèque déserte. Sur un rayonnage, deux livres côte à côte.

ELLE, récitant – « Mon frère exécutait ce truc bizarre avec les tortues… »

LUI, en aparté – Mais où sont-ils tous passés ?

ELLE, récitant – « Il les mettait sur le dos et leur grattait la carapace ventrale avec un peigne. »

LUI, en aparté – Il faut que je sorte d’ici, elle va me rendre fou. Que fait ce maudit bibliothécaire ?

ELLE, récitant – « Ça faisait comme un bruit de crécelle, mais en plus doux. »

LUI – STOOOP !

ELLE, surprise – Tu n’aimes pas mon histoire ? Je pensais te distraire…

LUI –Comment veux-tu que je m’intéresse à ces sornettes ? Pas étonnant que tu ne sortes jamais !

ELLE – En ce moment, tu ne sors pas plus que moi. Ha ! Qu’est-ce que tu réponds à ça, monsieur le grand thriller populaire ?

LUI – Ça n’a rien à voir avec moi. Il se passe un truc louche. Dehors.

ELLE, mauvaise – Ah, ça change, n’est-ce pas, de se retrouver ici coincé sur les rayonnages. Monsieur n’a pas l’habitude de rester inactif…

LUI, digne et hautain – Je n’y peux rien si je suis un best-seller. Tu es jalouse, c’est tout.

ELLE – Pas du tout. La célébrité m’indiffère. Je me sens bien ici, au calme. Pas ballottée dans des sacs qui m’écornent la couverture, jetée sur une table crasseuse, et j’en passe. Et puis, best-seller ou pas, en ce moment, nous en sommes tous au même point.

LUI, songeur – Oui… ça commence sérieusement à m’inquiéter. Où sont-ils ?

ELLE, espiègle – Ils en ont eu assez de ta suffisance ?

LUI – Ferme-la deux minutes. Laisse-moi réfléchir.

ELLE – Si tu le prends ainsi, je retourne à ma lecture.

« Mardi dernier, Suzanne m’a posé la question la plus saugrenue qui soit… »

LUI – De quoi tu parles ? Elle n’a ni queue ni tête, ton histoire.

ELLE, comme une prof à un élève un peu stupide – Ce n’est pas une histoire, ce sont des histoires, monsieur je-sais-tout. Des nouvelles. Vu que la première ne te plaisait pas, j’en essaye une autre.

LUI – Ben celle-ci n’est pas mieux. Ça manque d’action, de suspense… de sang, quoi.

ELLE, vexée – Comment peux-tu juger sur une seule phrase ? Bon, forcément, de la littérature expérimentale, ça te passe au-dessus.

LUI – Je m’en fous de ta littérature. J’espère que ce n’est pas contagieux, à force de t’entendre déblatérer, je vais finir taré, mois. Ça fait des semaines qu’on n’a vu personne ! Silence radio, calme plat, marée basse ! Je me demande…

ELLE – Là, il va nous inventer une conspiration assaisonnée à l’hémoglobine.

LUI – … si la troisième guerre mondiale a éclaté ?

ELLE – Pas crédible. On aurait entendu des bombardements, des sirènes…

LUI – Un enlèvement de masse par des extra-terrestres, alors ?

ELLE – Ça n’existe pas, les extra-terrestres.

LUI – Selon les voisins de la rangée d’en face, si.

ELLE – Depuis quand fais-tu confiance à ces SF, toi ? Sinon, si ça t’intéresse, j’ai une idée sur la question…

LUI – Toi, une idée ? Comment pourrais-tu savoir quoi que ce soit, alors que tu végètes sur l’étagère à longueur d’année ?

ELLE – Je végète peut-être, comme tu dis, mais j’ai des oreilles. Et les visiteurs discutent… ça t’intéresse, ou pas ?

LUI – Vas-y, balance.

ELLE – J’ai entendu parler d’une épidémie. Ils semblaient assez inquiets.

LUI – Tu veux dire, comme la peste ? Le choléra ?

ELLE – Oui, voilà. Un virus qui se transmet par contact. L’épidémie a dû empirer, se propager, que sais-je.

LUI, angoissé – Mais dans ce cas… ils sont… tous morts ? Comment je vais faire, moi, sans lecteurs ?

ELLE – Mais non, voyons. Il y a toujours des survivants. Si tu fréquentais les livres d’histoire, tu le saurais. Le seul qui me manque, c’est notre bibliothécaire. Il venait parfois me feuilleter… comme j’aimais le sentir tourner mes pages. Lui au moins m’appréciait à ma juste valeur.

LUI – Bon, bon, du calme. Comme tu dis, il y aura des survivants. Ils vont revenir. Ils auront besoin de moi.

ELLE – Parce que tu imagines que les gens vont vouloir lire tes salades à l’épouvante ? Après avoir traversé ce genre d’épreuve ?

LUI, déstabilisé – Euh, pourquoi pas ? Il paraît que les histoires d’horreur font du bien, justement.

ELLE, rêveuse – C’est de moi qu’ils auraient besoin.

LUI – Je croyais que tu étais mieux ici ?

ELLE – C’est une mission, c’est différent. Je me sacrifierai volontiers pour soigner les blessures du cœur et de l’esprit. Écoute : « Michel s’assit sur le bitume encore brûlant et fondit en larmes… »

LUI, ricane – En effet, ça s’annonce gai ton truc. Parfait pour remonter le moral !

ELLE – Je t’assure, tout finit bien. Cela dit, tu as raison, peut-être pas celle-ci en premier. Attends, j’en ai d’autres…

LUI – Non, arrête, tais-toi. Juste, tais-toi. Je n’en peux plus de tes fadaises, ça ne m’intéresse pas, ça me rend dingue, tu comprends ?

ELLE – Après tout ce que j’ai fait pour toi ! Mufle ! Goujat ! Ingrat !

ELLE se jette sur LUI. Lutte. Les deux livres tombent du rayonnage, leur reliure casse, des pages s’éparpillent et se mélangent.

ELLE, gémit – Aïe ! Au secours ! Où sont mes pages ? Je perds mes pages ! Et ma couverture s’est déchirée !

LUI, s’ausculte – Argh… Pareil ici… Tiens, j’ai une page à toi dans mon chapitre 8… Une autre au 17… Encore trois là… Par contre, j’ai perdu la moitié de mon épilogue !

ELLE – Quelle calamité ! Comment va-t-on s’y retrouver dans tout ce bazar ?

LUI, horrifié – Oh c’est pas vrai, dis-moi que je rêve ! La tortue, Michel et Suzanne sont en moi. J’ai attrapé ton virus expérimental ! Je suis contaminé !

ELLE, amusée – Moi aussi, j’ai récupéré des fragments de toi. Ce n’est pas si mal, en fait. On pourrait faire équipe, qu’en dis-tu ? On lancerait un nouveau concept littéraire !

LUI, désespéré – Pitié, non, quelle horreur… à l’aide ! Y a quelqu’un ? Ohé, il y a quelqu’un ?

RIDEAU

2 commentaires

  1. Brigitte MONCEY

    J’ai beaucoup aimé la lecture faite de ta pièce de théâtre.
    C’est quelque chose d’entendre les mots que l’on a patiemment posés sur une feuille ! Une impression d’envol, telle une nuée d’insectes et qui se pose ici et là, au détour d’un chemin…
    Bravo Anne.

Répondre à Brigitte MONCEY Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *