Ce mois-ci, je vous livre mes pensées sur ce débat qui me semble important.
Ensuite, je vous raconte une anecdote d’écriture qui m’est arrivée en avril.
Et pour finir, je partage avec vous mes derniers coups de cœur de lecture.
Le débat : faut-il écrire uniquement sur ce que l’on connaît ?
Mon amie Brigitte cite régulièrement cet auteur qui soutenait, lors d’une séance de dédicaces, que l’on ne peut écrire que sur ce que l’on connaît.
Elle trouve cette affirmation ridicule — et je suis d’accord avec elle. Je vais vous expliquer pourquoi. 😉
Mais d’abord, voilà pourquoi ce débat me semble pertinent en ce moment.
À notre époque de politiquement correct, il devient polémique, voire critiqué, d’écrire sur une minorité à moins d’en faire partie, sur une maladie si on ne l’a pas vécue, etc.
Même si je peux comprendre les raisons (souvent des douleurs légitimes) derrière ces réactions, je trouve cela assez dangereux.
Auteur = expert ?
Dans l’absolu, il serait prétentieux d’écrire sur un sujet que l’on ne maîtrise pas. Même si à l’heure des réseaux sociaux, tout le monde s’improvise expert de tout et n’importe quoi en ligne…
Les livres gardent toutefois une forme d’autorité encore aujourd’hui et on attend de leurs auteurs davantage de recul et d’expertise. Ce qui est plutôt une bonne nouvelle.
Cela dit, à mon avis, le but de l’écriture de fiction est justement d’aller explorer l’inconnu.
Si on doit se limiter à son expérience directe : identité, milieu social, etc., c’est terriblement réducteur, non ? Hormis l’autofiction et l’autobiographie, on ne va pas bien loin.
Et que fait-on de tous ces auteurs qui ont écrit des romans à mille lieues de leur quotidien ?
Maurice Druon n’a pas vécu au XIVe siècle, ni Roy Lewis à la préhistoire.
Gustave Flaubert n’était pas une femme et Frank Thilliez n’est à ma connaissance ni flic ni psychopathe (quoique… 😉).
Pourtant, ils nous brossent des tableaux très crédibles et ils sont devenus des références dans leur domaine.
Connaissance = expérience ?
Qu’entend-on vraiment par « ce que l’on connaît » ?
Est-ce que nos connaissances se limitent à notre expérience directe ?
Je pense que non. N’en déplaise à Rousseau, je reste persuadée que l’étude, les recherche et les lectures peuvent nous apporter toutes les connaissances nécessaires pour compenser l’absence d’expérience directe.
Pour beaucoup d’écrivains (moi comprise), ces explorations font justement partie du plaisir d’écrire : le plaisir d’apprendre, de découvrir, de vivre mille vies sans rien en commun avec la nôtre au départ.
Ensuite, le travail d’un auteur revient justement à combler ce décalage entre les connaissances théoriques et l’expérience vécue. Grâce à son imagination, sa capacité d’empathie et sa maîtrise du langage, l’écrivain vous donne l’illusion de vivre la situation « pour de vrai ».
Évidemment, je parle de la fiction qui est par essence une illusion. La fiction doit être crédible, mais le lecteur est bien conscient (normalement) qu’elle n’est pas pour autant réelle.
Alors, peut-on écrire sur ce que l’on ne connaît pas ?
Eh bien, oui… à partir du moment où on se renseigne suffisamment. Du coup, on finit par écrire sur ce que l’on connaît quand même. 😉
En tout cas, je considère qu’on ne doit pas se limiter au départ, ce qui reviendrait à une forme de censure.
Je suis par exemple une femme, pourtant je me suis glissée plusieurs fois dans la peau d’un homme, dans celle d’une araignée, et même dans la peau d’objets inanimés (si on peut parler de peau dans ce cas).
J’ai fait des recherches sur des procédures administratives et judiciaires, des faits historiques, des maladies, etc. que je n’ai jamais vécus en réalité.
Bref, j’explore, j’apprends, je fais mon travail d’écrivain, en somme !
Qu’en pensez-vous ? Je suis curieuse d’avoir un vrai débat (et pas juste de vous exposer mes idées toute seule), alors n’hésitez pas à donner votre avis dans les commentaires !
L’anecdote d’écriture
Il m’est arrivé une coïncidence assez amusante avec mon roman jeunesse. Je vous raconte.
J’ai terminé le 1er jet de ce roman jeunesse, une histoire d’araignée, mi-avril.
Le lendemain de la conclusion du manuscrit, je suis tombée sur deux articles de presse relatant une chasse à l’araignée rocambolesque dans un supermarché marnais.
Quatre araignées « énormes » ont surgi au milieu d’un étal de bananes.
On a craint qu’elles ne soient des araignées-bananes venues de Guadeloupe.
Les pompiers sont intervenus. (Je ne savais même pas qu’on pouvait appeler les pompiers pour des araignées — surtout que les araignées-bananes sont inoffensives pour l’homme !)
Bref, les pompiers ont capturé deux araignées… qui se sont avérées être d’une espèce locale.
La troisième s’est fait écraser dans la bataille.
La dernière a continué sa cavale plusieurs jours avant d’être finalement attrapée et, rebondissement de l’intrigue ! Celle-ci est bien une araignée guadeloupéenne !
Mais inoffensive, elle aussi.
Épilogue : l’araignée d’outre-mer a été confiée au Musée d’Histoire Naturelle.
Je suis fan de ce fait divers ! J’ai bien envie d’en intégrer des morceaux à mon histoire lors de la réécriture, en tout cas.
Fait étonnant, ce n’est pas la première fois que ce genre de coïncidence m’arrive en écriture.
Juste après avoir mis le point final au 1er jet d’En abyme l’an dernier, je suis tombée sur un podcast passionnant sur le syndrome de Munchhausen par procuration — et je me suis aperçue que mon intrigue tournait autour de ce syndrome dont je ne savais rien au moment de l’écriture… La vie est pleine d’un humour étrange, non ?
Lectures du moment
Mes derniers coups de cœur de lecture :
Frank Thilliez, que je viens de découvrir avec Le manuscrit inachevé. Il était sur ma liste depuis sa sortie, mais je n’avais jamais sauté le pas. Voilà qui est fait et je suis devenue avec ce seul roman une fan inconditionnelle ! Il se trouve qu’en parallèle, j’ai lu aussi du même auteur Le plaisir de la peur, dans la collection « Secrets d’écriture » du Seuil & Le Robert. Dans ce petit livre, il raconte ses débuts d’écrivain, ses techniques et sa routine. Je le trouve à la fois ultra compétent et très humble. Dans la foulée, je viens d’entamer Il était deux fois. 😉
Entre temps, j’ai lu avec beaucoup de plaisir Watership Down de Richard Adams, un roman très original qui nous plonge dans l’univers des lapins, avec des personnages lapins et une intrigue de lapins. Ça peut paraître étrange, mais c’est assez génial en fait. Le roman date de 1972 et c’est apparemment un classique en Angleterre qui a donné lieu à plusieurs adaptations.
Et vous, quels sont vos auteurs ou romans favoris en ce moment ?
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Joyeuses lectures !
PS Au fait, quelles cases avez-vous coché dans le bingo du mois dernier ? 😉
Coucou Anne !
Bravo pour ton dynamisme !
Effectivement, se limiter à ce que l’on connaît est comme tu le précises, bien réducteur. A moins d’avoir un destin hors du commun et des expériences que l’on veut partager. Malgré tout, il y a souvent une part de soi qui rejaillit dans ce que l’on écrit. Mais ce n’est pas une généralité. On peut faire sans. Tout dépend de l’intention de départ.
Quant à l’anecdote que tu expliques, elle ne m’est pas étrangère. C’est toujours étonnant et même passionnant de se trouver dans ce type de situation. Et ce n’est pas si rare.
Pour ce qui est de mes dernières lectures, je citerais « Les âmes grises » de Philippe Claudel (que malheureusement je ne pourrai pas aller voir à Verdun le 2 juin). J’ai replongé dans du Marguerite Duras avec « Un barrage contre le Pacifique ». Des romans d’une extrême profondeur. Et là, je lis « Fritna » de Gisèle Halimi. Je voulais en savoir plus sur cette femme, et je suis servie. Je ne lis jamais forcément le dernier roman à la mode et j’y trouve mon compte.
A bientôt !