Ce mois-ci, je vous emmène au Salon du livre d’Uckange ; je vous invite dans les coulisses des finitions de mon dernier manuscrit ; je vous parle de mon dernier coup de cœur de lectrice ; et je vous offre une nouvelle inédite. Bonne lecture !
La grande aventure de février : mon tout premier salon
Dans une semaine exactement, je serai au Salon du livre d’Uckange avec mon roman fantastique Le Manoir de Malencontre !
Encore une nouvelle étape, et de taille, sur mon parcours d’autrice.
Par chance, je serai en compagnie d’un autre auteur de la maison GLP : Isaac de Mont, qui présentera pour sa part son thriller Disloqué. Isaac a davantage d’expérience que moi en tant qu’auteur, c’est donc très rassurant de faire ce premier salon avec lui.
Alors si vous voulez découvrir nos livres, faire dédicacer votre exemplaire, ou juste papoter écriture et lecture, passez donc nous voir dimanche 12 février à Uckange : le salon « Au cœur du livre et de la BD » se tiendra à la salle « Le Diapason », rue des Jardins, de 10 h à 18 h. Malgré un léger trac, j’ai hâte !
Écriture : les dernières retouches à mon manuscrit En abyme
Le mois de janvier a été très chargé et je n’ai pas pu consacrer beaucoup de temps à l’écriture. Cela dit, comme j’avais bouclé un cycle de corrections/réécriture fin décembre, cette pause obligée a permis à mes idées de décanter tranquillement. Depuis une semaine que je remets le nez dans mon manuscrit, toute une série d’éléments se met en place comme par magie. Toute la matière est là, mais à présent, en modelant les détails, je peux transformer les effets de façon spectaculaire. C’est très ludique et assez grisant !
Et somme toute, le travail s’avère assez rapide sur cette phase. J’espérais pouvoir soumettre le manuscrit au printemps, ça reste tout à fait jouable. D’autant que la version de soumission n’est encore pas la version définitive du roman. Pour Le Manoir de Malencontre, mon éditrice m’a demandé la réécriture de quelques scènes et proposé des améliorations. Inutile donc de tomber dans l’excès de perfectionnisme.
Lectures : littérature jeunesse
J’ai toujours adoré la littérature jeunesse.
J’ai dévoré les Chroniques de Narnia de C.S. Lewis quand j’avais 18 ans ; la série des Harry Potter au fur et à mesure de leur sortie ; Les Désastreuses aventures des orphelins Baudelaire de Lemony Snickett à 35 ans ; je trouve que Coraline est une des plus belles réussites de Neil Gaiman.
Bref, je continue à bientôt 50 ans d’explorer la littérature jeunesse : elle regorge de tellement de pépites que ce serait dommage de s’en priver, même si on a « passé l’âge » !
J’ai donc sauté sur le dernier tome de la trilogie Magic Charly d’Audrey Alwett à sa sortie en novembre.
Pour ceux qui ne connaissent pas, Magic Charly est une série fantastique, un peu dans la veine des Harry Potter, mais… et toute la différence réside dans ce « mais » ! En tant que grande fan des livres Harry Potter, j’avais au départ un peu peur d’être déçue, de ne lire qu’un remake à la française des aventures du jeune sorcier. En réalité, plus on avance dans le récit et plus l’univers de Charly affirme son originalité. J’avais apprécié le premier livre avec un peu de retenue, le deuxième m’avait définitivement séduite.
Avant d’entamer le troisième tome, j’ai voulu me remettre en mémoire le début du récit et j’ai donc relu les deux premiers. Je n’avais pas le souvenir du style de l’autrice, sans doute parce que je m’étais laissé happer par l’intrigue. Lors de cette deuxième lecture, j’ai pu savourer pleinement la poésie et la qualité de son écriture.
Me voici enfin lancée dans le dernier livre depuis quelques jours. À moins d’un retournement spectaculaire, je pense apprécier cette trilogie jusqu’au bout et je la recommande !
Et vous, avez-vous un roman ou une série jeunesse fétiche ?
Challenge Magazine du Moodvember
Un rapide résumé des épisodes précédents si vous venez de débarquer sur ce blog : en novembre, GLP Éditions a proposé pour la troisième année un défi d’écriture. Cette année, le défi consistait à écrire trois nouvelles sur des thèmes imposés.
J’ai décroché la deuxième place, et à ce titre, deux de mes nouvelles seront publiées dans le Challenge Magazine no3 qui va sortir le 20 février.
Pour fêter ça, je vous offre ci-dessous la primeur de mon troisième texte : les instructions données étaient d’écrire un texte de 6000 signes espaces comprises (tout pile) sur le thème « Amour & Montagne ».
Pèlerinage — nouvelle
Écrite par Anne de Latour, 2022 — tous droits réservés
21 h
Le poêle en fonte ronronne et une douce chaleur se répand enfin dans la pièce unique du refuge. Ils viennent de finir leur dîner presque silencieux. Une soupe épaisse accompagnée de pain et de fromage local. Tandis que Gerta finit de ranger, Stanislas tire de son sac à dos un gros volume relié en cuir rouge vif. Ce randonneur du dimanche est décidément très étrange. Quelle idée de trimballer ce poids inutile ! Pourtant, Gerta ne peut s’empêcher d’admirer la couleur et la texture du cuir. Une envie irrésistible de le toucher, de le caresser, s’empare de sa main. Juste avant que son bras ne se tende malgré elle, Stanislas ouvre le cahier et se met à griffonner dedans. Son visage fatigué reflète les émotions qu’il transcrit au fur et à mesure que le stylo court sur les pages. Gerta repense à ce qu’il lui a raconté. Il écrit sans doute au sujet de Nora. Rester à regarder son client écrire ses tripes paraît indécent à la guide de montagne. Elle attrape son blouson, son bonnet et son écharpe et sort admirer les étoiles. Les nuages se sont dissipés et la nuit brille de tous ses feux sur les sommets enneigés des Pyrénées.
#
15 h 30
— Regardez, les isards, là-haut, sur le névé ! pointe Gerta.
Le type tourne un peu la tête, davantage par politesse que par curiosité. Cela dit, c’est déjà un progrès.
— Vous êtes déjà venu dans cette vallée ? poursuit la guide pour détendre l’atmosphère.
Il renifle dans sa manche.
— Il y a dix ans.
— Ce n’est pas la meilleure saison. En juin ou juillet, vous auriez eu tous les rhododendrons en fleur, les gentianes…
— Je ne viens pas pour les fleurs ni pour le paysage, l’interrompt-il.
Gerta reste interloquée. En montagne, elle a l’habitude de côtoyer deux sortes de randonneurs : les touristes, qui mitraillent de l’appareil photo et s’extasient à chaque caillou pour reprendre leur souffle ; et les sportifs, qui ne voient que leur chronomètre. Vu la dégaine de Stanislas, elle l’avait catalogué dans la première catégorie.
— Vous venez pour quoi, dans ce cas ? demande-t-elle, presque sèchement.
— Pour un anniversaire. C’était le douze octobre, il y a dix ans.
Il sort un mouchoir, se mouche bruyamment et essuie ses dernières larmes. Regrettant la brusquerie de sa question, Gerta n’ose pas demander davantage. Mais Stanislas poursuit de lui-même.
— Ce jour-là, j’ai perdu Nora. Ma douce Nora… emportée par une avalanche. On n’a jamais retrouvé son corps.
Il se lève enfin et reprend son bâton.
— C’est pour ça que je ne peux pas faire demi-tour, vous comprenez.
— Je suis désolée…
Gerta se mord les lèvres. Comme souvent, elle a jugé trop vite son client. Il est un piètre marcheur, certes, son romantisme et sa loyauté envers sa bien-aimée forcent le respect.
#
15 h
Stanislas s’avachit sur un rocher au bord du sentier et fond en larmes. Quoi, encore ? maugrée Gerta intérieurement.
— Vous vous êtes fait mal ? demande-t-elle le plus calmement possible.
Il secoue la tête, mais ne répond pas et continue de sangloter comme un môme.
Ce randonneur du dimanche commence à lui courir sur le haricot. Depuis le départ, elle le sentait mal : son équipement neuf mais bon marché trahissait le citadin sans aucun entraînement physique. Ça n’a pas loupé. D’abord, il a fallu que Gerta lui règle son sac à dos. Puis, au bout d’une heure, il s’est plaint d’ampoules. Heureusement, Gerta a toujours le nécessaire pour traiter ce genre de petit tracas dans son sac. Mais ça l’énerve. Quand on paie les services d’un guide pour une randonnée de trois jours, on n’arrive pas sans préparation ! Et maintenant, le voilà qui fait la madeleine.
— Si vous voulez, on peut faire demi-tour… propose-t-elle en espérant presque que le type va dire oui.
Il dit non.
— Si vous ne voulez pas redescendre, il faut avancer. Je voudrais atteindre le refuge avant la nuit — et elle tombe assez tôt en cette saison.
Elle rajoute intérieurement « et vous aurez tout le loisir de chialer là-haut pendant que je prendrai mon bol de soupe. »
Le type l’entend, mais ne répond ni ne bouge. Gerta soupire et se retourne vers la montagne pour se calmer. Heureusement, les Pyrénées sont toujours là pour la réconforter. Elle caresse du regard les sommets familiers, dont les plus hauts se perdent dans un banc de nuages cotonneux. Leur carrure de géants impassibles lui rappelle chaque fois la futilité de nos préoccupations humaines. Elle se perd dans le tracé des crêtes, les reliefs escarpés. Un mouvement attire son œil aiguisé vers un névé. Un groupe d’isards dévale la surface gelée en exécutant des cabrioles.
#
21 h 30
La porte s’ouvre sur un rectangle de lumière dorée et Stanislas apparaît, emmitouflé dans sa doudoune ridicule et armé d’une bouteille.
— Excusez-moi, je n’ai pas été d’une compagnie très agréable, comme client.
— C’est plutôt moi qui devrais vous présenter des excuses. Je suis tellement désolée pour votre amie…
Elle ne sait comment finir sa phrase et sa voix s’évapore dans une volute de buée. Le jeune homme sourit tristement.
— Ce n’est pas votre faute, vous ne pouviez pas deviner. Écrire m’a fait du bien. Voulez-vous trinquer avec moi ?
Gerta se tortille, mal à l’aise, mais elle ne peut refuser cette offre de paix. Stanislas débouche sa bouteille et sort de sa poche deux timbales de camping.
— C’est de la goutte de prune, c’est un peu fort, mais vous verrez, ça réchauffe bien !
Gerta attrape le gobelet en métal encore tiède de la main de Stanislas.
— À la mémoire de Nora.
Ils vident leurs verres d’une traite et Stanislas les ressert aussitôt. L’alcool trace un sillon brûlant dans la trachée de Gerta et délie sa langue malgré son embarras.
— C’est très romantique, de revenir comme ça… C’est émouvant. Vous deviez être très amoureux !
Stanislas ouvre des yeux ronds qui luisent à la lueur des étoiles.
— Amoureux ?
— De Nora…
Stanislas éclate d’un rire amer.
— Sérieusement, vous avez cru qu’elle était ma fiancée à l’époque ?
Cette fois-ci, c’est au tour de Gerta d’écarquiller les yeux.
— Nora était la compagne de mon enfance, mais c’était une labrador noire… pas une fille !
***